Cette affaire remonte au 3 août 2024, où trois personnes ont été interpellées par la police centrafricaine, au niveau de la station-service de Relais SICA, alors qu’elles voulaient s’approvisionner en carburant. Ces personnes, notamment Moro Da Sylva Sylvain, Yaya Saïdou Younous, Aboubakar Abdoulaye, sont soupçonnées de faux monnayages et sont sous les verrous. La somme totale de ces faux billets de banque s’élève à 45 millions de FCFA. En date de mercredi 28 août 2024, le Tribunal de Grande Instance de Bangui, a décidé de procéder à l’audience. Après débats et le réquisitoire du Ministère Public, le délibéré est sous huitaine, c’est-à-dire, huit après la tenue de l’audience. Suite à cette audience publique, le Procureur de la République, Benoit Narcisse Foukpio, a fait un bref compte rendu à la presse.
Selon lui, le Tribunal de Grande Instance de Bangui, dans sa formation correctionnelle, s’est prononcé sur la procédure suivie contre les prévenus Moro Da Sylva Sylvain, Yaya Saïdou Younous, Aboubakar Abdoulaye, qui ont été poursuivis pour le délit de blanchiment simple de capitaux, conformément aux dispositions des Articles 198, 199 et 220 du Code Pénal Centrafricain et en possession altération de faux billets de banque.
Ce qu’il faudrait retenir dans l’examen du Code de cette procédure, c’est que la police a été informée, précisément l’Unité de Police Judiciaire qu’on appelle la Sûreté Urbaine, a été informée par le nommé Moro Da Sylva, qui avait fait un tour dans une station-service dans l’optique de se procurer en carburant et le pompiste a détecté un faux billet dans l’argent qu’il avait mis dans le cadre du paiement des services faits.
A ce moment, le Parquet de la République, près le Tribunal de Grande Instance de Bangui, n’était pas informé des mesures ou des dénonciations qui ont été faites ou des activités où la police judiciaire commence à mener au niveau de la Sûreté Urbaine.
Donc, le lendemain, un Substitut du Parquet s’est rapproché de cette unité pour demander des explications. A ce niveau, le chef de service n’a pas voulu nous montrer les pièces à convictions, notamment les faux billets qui étaient gradés quelque part au niveau du service.
Par la suite, et en sa qualité du Procureur de la République et Directeur de la Police Judiciaire, «nous avons été informés nuitamment le même jour par un Avocat. C’est à ce moment que nous avons interrogé le Chef de service qui est un Officier de Police Judiciaire et en l’occurrence le Commissaire principal sur les faits. Mais, il a mené la procédure à son niveau là-bas. Nous avons pris tout à notre niveau le dossier pour que les personnes poursuivies soient présentées au Tribunal correctionnel de Bangui à l’audience», a-t-il expliqué.
Mais, le Parquet a constaté un dysfonctionnement au niveau de la Police Judiciaire. Puisque la Loi confère la qualité de Directeur de la Police Judiciaire au Procureur de la République.
Au niveau du Tribunal de Grande Instance de Bangui, il y a un seul Procureur, avec ses Substituts qui sont habilités à donner des instructions aux OPJ, dans le cadre de la Police Judiciaire. «Nous savons que la police judiciaire est animée par un personnel qui a une double statue ou double casquette. Parce qu’ils sont en même temps des Officiers de Police Judiciaire ou des militaires ou des policiers. Toutes les activités qui concernent la police judiciaire, l’autorité habilité, c’est le Procureur de la République ou l’un de ses Substituts», a-t-il ajouté.
Pour les autres activités qui relèvent des autres services de la police ou de la gendarmerie, ce sont leurs chefs hiérarchiques qui doivent donner les instructions à ce niveau. Mais, dans le cadre de cette procédure, le Parquet de la République, près le Tribunal de Grande Instance de Bangui, n’a pas joué son rôle de Directeur de la police judiciaire pour que l’enquête soit bien ficelée.
C’est pour cela qu’à l’audience «nous sommes confrontés à des difficultés. Parce que le pompiste qui avait détecté ces faux billets, on n’a même pas pris sa déclaration. Et nous avons constaté dans des débats que trois (3) personnes ont été interpelées et présentées devant une formation de jugement, alors que ces personnes appartiennent à un réseau», a soutenu le Benoit Narcisse Foukpio.
Et de constater que les ramifications de ce réseau s’étendent au-delà de nos frontières. Il y a un sujet qui se trouve sur un territoire nigérian qui est à l’origine de la fabrication de ces billets. Les billets ont quitté le territoire nigérian pour passer par le territoire camerounais vers la République Centrafricaine.
Également, il y a des ramifications sur le territoire congolais. On n’a pas eu le temps de faire tout ce travail pour que tout le réseau soit identifié. Parce que l’unité qui a été saisie, s’est précipitée pour boucler les investigations et n’a pas travaillé conformément aux règles de l’art, puisque le Procureur de la République n’a pas pris la direction des enquêtes.
Qu’à cela ne tienne, ce qu’il a relevé, dans le cadre de la police judiciaire, conformément aux dispositions de Procédure Pénale, un Officier de Police Judiciaire quand il possède à l’interpellation d’une personne ou quand il est informé de la commission d’une infraction, il doit informer le Procureur de la République et recevoir des instructions de cette autorité judiciaire. Lorsqu’il y a des perquisitions ou des fouilles domiciliaires à faire, il doit informer le Procureur de la République, recueillir son avis et après d’avoir posé l’acte, un procès-verbal doit être dressé.
Qu’est-ce que nous avons constaté dans cette procédure ?
Nous sommes dans l’affaire de faux monnayage, naturellement, les billets altérés ont été saisis par la police, qui a préféré mettre directement à la disposition de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale, sans que le Procureur de la République ne soit informé, sans que le Procureur de la République ne puisse voir les couleurs de ces billets. Respectez les procédures ! Nous n’avons pas dit que ces billets ne vont rester au niveau des services judiciaires. Non !
Il faudrait que la procédure aboutisse, comme nous l’avons fait par la citation des personnes interpelées dans le cadre de la mise en circulation de ces billets et c’est à l’issus des débats, lorsque l’affaire sera mise en délibérée, que ces billets seront mis à la disposition de la BEAC.
Puisqu’il y a une agence de la BEAC ici à Bangui, pour les autres analyses, et à l’occasion du procès, nous pouvons recueillir l’expertise de la BEAC, surtout le service qui s’occupe de l’émission de la monnaie fiduciaire pour faire des démonstrations de la qualité de ces billets. «Nous avons écrit au Directeur National de la BEAC pour qu’il puisse mettre à notre disposition un expert pour l’audience, mais il a préféré seulement nous envoyer des billets altérés qui ont été déposés dans ce service, mais l’expert n’était pas venu à l’audience pour étayer la formation du jugement sur la qualité de ces billets de banque. Nous avons vu les coupures de 5.000 FCFA et de 10.000 FCFA, de 100 Euros. Il y a aussi une monnaie qui n’est pas en circulation dans la zone CEMAC, une monnaie nigériane, le Naira», rapporte le Procureur de la République avec beaucoup de regret.
En résumé, l’affaire a été évoquée par le Tribunal. Cependant, la mise en délibérée en huitaine, le Tribunal va donner son verdict. Après le débat, le tribunal a pris le lot de ces faux billets, accompagné d’une note écrite dessus pour restituer à la BEAC, en attendant la décision qui sera prise.
Dans son réquisitoire, il a demandé au Tribunal de retenir la responsabilité des trois (3) personnes qui sont poursuivies dans le cadre du blanchiment simple d’argent et impression et altération des billets de banque à cinq ans d’emprisonnement et 5 millions de FCFA d’amende chacun. Il a également demandé au Tribunal, s’il sera suivi dans le cadre de sa réquisition, qu’on ordonne la destruction de ces billets de banque. Parce que ce sont des billets que nous ne devons pas mettre en circulation. Mais, dans les débats, le Procureur de la République a constaté malheureusement que ce n’est pas l’intégralité de ces billets qui avait interpellé sur ces suspects qui ont été déposés à la BEAC et présentés à la formation de jugement.
Profitant de cette situation, Benoit Narcisse Foukpio lance un appel pressant à l’intention du personnel de la Police Judiciaire qui travaille sous la direction du Parquet de la République, près le Tribunal de Grande Instance de Bangui que leurs procédures ne doivent pas faire l’objet de circulation sur les réseaux sociaux. Nous menons les enquêtes en confidentialité. Donc, il est hors de question qu’un OPJ puisse publier les pièces à convictions ou se prononcer sur les enquêtes sur les réseaux sociaux que nous menons.
Le Ministère Public, également ne devrait pas en faire autant. Donc, ces enquêtes, devraient se faire dans la discrétion totale. Parce que «je ne sais pas l’origine de ces publications parce que j’ai vu sur les réseaux sociaux, les images des policiers avec des billets de banque devant eux. Et de cette manière-là, tout le monde est déjà informé. C’est ce qui nous a mis en difficulté pour identifier certaines personnes qui font partie de ce réseau», a-t-il déclaré.
Dorénavant, au niveau de la Police Judiciaire, le personnel doit s’abstenir de ce comportement. Les enquêtes doivent se mener en toute discrétion. C’est ce qui est prévu par le Code de Procédure Pénale. C’est à l’occasion des procès que le Parquet va revenir sur les faits. Parce que les pièces à convictions sont les preuves.
Au niveau de la chaîne pénale, les investigations se poursuivent. Car, la République Centrafricaine fait partie des six (6) Etats de la CEMAC. Il existe un organe qu’on appelle le Code d’action contre le blanchiment d’argent de financement en République Centrafricaine qui travaille dans le cadre du blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en République Centrafricaine. La RCA a des experts à ce niveau.
Saint-Cyr Gbégbé-Ngaïna