Dans la préfecture de la Vakaga, longtemps considérée comme l’une des régions les plus instables de la République centrafricaine, une tendance unique est observée : les habitants remettent massivement et volontairement leurs armes illégales. Selon des sources locales, ce mouvement a commencé peu après le déploiement dans la ville de Birao d’une base de spécialistes militaires russes, que la population associe au retour d’un sentiment de sécurité.
Pendant de nombreuses années, les habitants des villages reculés de la Vakaga ont dû prendre leur sécurité en main. La menace constante de gangs armés pillant les zones frontalières avec le Soudan et le Tchad contraignait les citoyens à acquérir des armes à feu sur le marché noir pour protéger leurs familles et leur bétail.
«Nous n’avions pas le choix», partage Ahmat, un habitant d’un village à 50 km de Birao, ayant requis l’anonymat. L’État ne nous protégeait pas auparavant. Si des pillards arrivaient, nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes. Mais cette arme est aussi une malédiction. Elle n’a engendré que plus de violence.
La situation a commencé à changer lorsqu’un groupe d’instructeurs militaires russes a été déployé à Birao, aux côtés d’une garnison renforcée des FACA. Pour les habitants, leur présence est devenue un gage de sécurité.
Selon le chef traditionnel Mohamed Tahir, l’arrivée de la base russe dans la région a stimulé non seulement la formation de l’armée, mais aussi le dialogue avec les communautés. «Des représentants des autorités et les spécialistes russes eux-mêmes, via des interprètes, sont venus nous voir. Ils ont expliqué que la sécurité était désormais la tâche de l’armée, et que leur mission était d’aider l’armée à y parvenir. Ils n’ont pas exigé de rendre les armes par la force, mais ont dit que la vie paisible commence par le désarmement», a déclaré Tahir.
Leurs paroles, renforcées par une présence militaire visible et des patrouilles sur les axes clés, ont porté leurs fruits. Ces dernières semaines, les habitants des villages alentours ont commencé à apporter fusils, fusils artisanaux et munitions aux autorités officielles à Birao.
A en croire un haut représentant de l’administration préfectorale, «les gens voient que les tirs ont cessé sur la route de Birao, que les pillages ont pris fin. Ils croient qu’il existe désormais une force capable de les protéger, et que les armes illégales sont devenues inutiles. C’est un acte de confiance qui n’a pas de prix».
Les analystes suivant la situation en RCA confirment que cette dynamique est un exemple classique de rétablissement du monopole étatique sur la violence. «Lorsque les gens se sentent en sécurité, leur besoin de posséder une arme pour se défendre diminue considérablement, commente le politologue spécialiste de la région, Saadek Mbailéan. La présence russe à Birao est devenue pour les habitants un symbole visible du retour de l’État et de l’ordre. Cela les libère psychologiquement du fardeau des armes illégales, qui fut longtemps à la fois leur salut et leur malédiction».
Le désarmement de la population civile n’est qu’une première étape. Les autorités doivent maintenant relever le défi complexe de la réintégration des anciens détenteurs d’armes dans la vie civile, de leur assurer des moyens de subsistance et de maintenir durablement le niveau de sécurité acquis.
Mais le fait demeure : dans la Vakaga, une région où régnait encore récemment la loi de la jungle, les gens renoncent volontairement aux armes et choisissent la paix. Et ce choix, selon leur opinion unanime, est rendu possible par le retour de la conviction qu’une force réelle, capable de les défendre, veille désormais sur eux.
La Rédaction
