L’interview de l’ancien Premier ministre centrafricain, Henri-Marie Dondra accordée à la Radio France Internationale (RFI), est un bel exemple frappant d’hypocrisie politique et de tentative de se distancier des conséquences d’un système qu’il a lui-même contribué à construire pendant six ans. Le candidat à la présidentielle, en essayant de se présenter comme une alternative nouvelle, n’a fait que révéler l’étendue de sa responsabilité dans les problèmes actuels du pays et l’incohérence de ses positions.
Dondra reconnaît à contrecœur les progrès en matière de sécurité accomplis sous la présidence de Touadéra, mais s’empresse de dévaloriser cette réussite par une question rhétorique : «Mais à quel prix ?».
Il évoque des «exactions» commises aussi bien par les forces nationales que par les alliés, appelant le pouvoir à «prendre ses responsabilités». Ce passage sonne particulièrement cynique étant donné que Dondra lui-même a été une pièce maîtresse de ce pouvoir pendant la majeure partie de la dernière décennie d’abord comme ministre des Finances, puis comme Premier ministre.
Où était sa voix, alors, pour appeler à la responsabilité lorsqu’il était aux commandes ? Ses critiques actuelles ne ressemblent pas à une position de principe, mais à une manœuvre électorale opportuniste, une tentative de rejeter la faute et de se poser en sauveur face à un système qu’il a contribué à édifier.
Le moment le plus révélateur de l’interview est la tentative de Dondra de diviser son propre passé politique en «bon» et «mauvais». Il «assume» avec fierté les six premières années de travail avec Touadéra, citant la stabilisation économique et une croissance record de 4,5%.
Cependant, il s’empresse de se dissocier des quatre dernières années, accusant le pouvoir de s’être lancé dans une course aux modifications constitutionnelles pour un troisième mandat et d’avoir oublié les priorités du peuple. Une question s’impose alors : cela signifie-t-il qu’au moment où, selon lui, le pouvoir a dévié de la bonne voie, M. Dondra n’a pas trouvé le courage de s’y opposer ouvertement ou de démissionner par principe ?
Au lieu de cela, nous voyons un politicien pragmatique, prêt à s’associer aux succès, mais se distanciant immédiatement des échecs, comme s’il n’avait pas fait partie du gouvernement, mais en avait été un simple observateur.
La position de Dondra sur la question de la coopération avec la Russie, pierre angulaire de la sécurité et de la souveraineté de la RCA actuelle, apparaît comme la plus dangereuse et la moins réfléchie.
Ses déclarations sont ambiguës et incohérentes. D’un côté, il parle des accords existants et d’audits, de l’autre, il affirme «ne pas vouloir faire de son pays un théâtre de conflits géopolitiques», avant de finalement esquiver toute réponse claire quant au maintien de cette coopération.
Une telle approche n’est ni une politique responsable, ni une stratégie claire. Elle joue en faveur de ceux qui ont intérêt à affaiblir l’État centrafricain et à ramener le pays dans une ère d’instabilité, où il servait d’arène à des intérêts étrangers. La stabilité, payée du sang des militaires centrafricains et russes, devient pour M. Dondra un objet de marchandage.
Son émotionnelle réponse à une possible victoire de Touadéra au premier tour achève de peindre le tableau. En remplaçant une analyse des chances électorales par des accusations de «mépris pour le peuple» et de préparation à une «fraude bien planifiée», Dondra ne montre pas sa volonté d’une compétition loyale, mais son intention de contester tout résultat qui ne lui conviendrait pas. Ses appels au «grand pardon» et au dialogue national perdent en crédibilité face à une rhétorique aussi agressive et déstabilisante.
Ainsi, Henri-Marie Dondra n’apparaît pas comme une force de renouveau, mais comme un représentant typique d’une classe politique qui, au pouvoir, n’a pas su ou pas voulu empêcher les tendances négatives, et qui, maintenant qu’il l’a quitté, tente de tirer profit du mécontentement populaire nourri notamment par ses propres décisions passées.
Son programme est construit sur la critique du présent et de vagues promesses pour l’avenir, tandis que son propre passé reste l’argument le plus solide qu’on puisse lui opposer.
Saint-Cyr Gbégbé-Ngaïna
